La mort du jardinier (Ces fleurs qui nous font
La mort du jardinier
(Ces fleurs qui nous font mal)
Sous l’arceau du jardin potager
L’Univers s’éclate en sanglots
C’est la rosée du premier matin du monde
Sur les aubergines, les courges et les concombres
S’en allant tailler ses aumônières
Le jardinier écrase innocemment
La cigale qui revenait du bout de la nuit
La bouche pleine des feuilles du cerisier
Un vortex de champs magnétiques
Lui remonte de la moelle épinière
Jusqu’au cortex
Et dans le corps calleux de la voie lactée
les éphémères éclairent la mort de leurs morts
L’escargot s’en va chagriner ses dimanches
Le dos chargé de naines blanches
Il s’en va faire du ménage dans ses méninges
Celui qui rendait hommage aux roses sidérales
Est tombé de sa nébuleuse cérébrale
Il est sourd aux commérages de l’oseille, de la ciboulette et de la chicorée
Il a des grenouillettes sous la langue
Il bine, il bêche et il pioche
Sur ses mots comme sur la terre
Crénom de crénom de Dieu
Il est étendu comme le ciel
Entre les serfouettes, les griffes-fleurs et les tire-racines
Sous le pont de Varole
Ne coulera plus de parole
Son sang s’est coagulé dans la circonvolution de Broca
Sa tête est médusée, son ventre dur comme une pierre
Mouches! Asticots et mantes religieuses:
Laissez-le tranquille… Il dort.
© Julien Hoquet