C'est une petite ligne toute simple, le plus
C'est une petite ligne toute simple, le plus souvent rouge, qui de courbes en zigzags, traverse une carte.
Elle n'a l'air de rien comme ça, une petite ligne qu'on finirait par oublier.
Dans la rue de la Ligne*, on aurait beau la chercher, à terre, en l'air... rien.
Du côté pair, Emile a soixante dix sept ans et côté impair, Jean en affiche septante quatre.
Au-delà du carrefour, la boîte postale est jaune, par ici elle est rouge.
Le 14 juillet, on se réjouira des deux côtés devant les feux d'artifices en bleu blanc rouge et le 21 juillet ** ils trinqueront ensemble sur fond rouge jaune noir.
C'est souvent drôle, on s'en amuse.
Et il y en a des rues de la Ligne, de la Limite, de la Frontière qui résonnent ailleurs dans d'autres langues, sur d'autres musiques.
Mais un jour, le "Maître des lignes" décide de modifier la petite ligne, de la déplacer.
Et alors, ça fait du vilain. Du très vilain même.
La ligne devient plus rouge, très rouge.
Et d'autres lignes apparaissent. On les baptise "Maginot", "Siegfried" ou "démarcation".
Parfois même, on bâtit des murs...
Et un matin, après les larmes et la douleur, tu te réveilles l'étranger de ton voisin, de ton cousin, de ton frère.
Et tant de lignes de vie brusquement raccourcies.
Parce que la ligne a changé de place.
Une petite ligne qui n'avait l'air de rien.
* La rue de la Ligne existe vraiment à la frontière franco-belge.
** Le 21 juillet est la fête nationale belge.
© Ariane Adam